compter. Le plus sûr serait d’établir sur les chemins des barrages solides contre lesquels il viendrait tôt ou tard se briser en mille pièces.
« Bon ! répétaient les incrédules, cet enragé saura bien tourner ces obstacles…
— Et, au besoin, sauter par-dessus les barrages ! ajoutait-on.
— Et, si c’est le diable, il a des ailes en sa qualité d’ancien ange, et il ne sera pas embarrassé de prendre son vol. »
Vrais propos de commères, dont il n’y avait pas lieu de tenir compte ! D’ailleurs, si ce roi des Enfers possédait une paire d’ailes, pourquoi s’obstinait-il à circuler sur le sol terrestre, au risque d’écraser les passants, plutôt que de s’élancer à travers l’espace, comme un libre oiseau des airs ?…
Telle était la situation, qui ne pouvait se prolonger, dont se préoccupait à bon droit la haute police de Washington, résolue à y mettre un terme.
Or, voici ce qui arriva dans la dernière semaine du mois de mai, et tout donnait à penser que les États-Unis étaient délivrés du « monstre » resté insaisissable jusqu’alors. Et même, après le Nouveau-Monde, il y avait lieu de croire que l’Ancien ne serait pas exposé à recevoir la visite de cet automobiliste aussi dangereux qu’extravagant.
À cette date, le fait suivant fut rapporté dans les divers journaux de l’Union, et de quels commentaires le public l’accompagna, il est facile de l’imaginer.
Un concours venait d’être organisé par l’Automobile Club dans le Wisconsin, sur une des routes de cet État dont Madison est le chef-lieu. Cette route forme une piste excellente sur une longueur de deux cents milles[1], allant de Prairie-du-Chien, ville de la frontière-Ouest en passant par Madison, et se terminant un
- ↑ Environ 370 kilomètres.