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maître du monde

fût un monstre marin, et, à condition de le poursuivre vigoureusement, on finirait par débarrasser ces parages de sa présence. Mais un revirement de l’opinion ne tarda pas à se produire. En fin de compte, certains esprits, plus avisés, se demandèrent si, au lieu d’un animal, ce n’était pas un engin de navigation, qui venait évoluer dans les eaux de la Nouvelle-Angleterre.

Certes, cet engin devait présenter un rare degré de perfection. Peut-être, avant de livrer le secret de son invention, l’inventeur cherchait-il à provoquer l’attention publique et même quelque épouvante chez la gent maritime. Une telle sûreté dans ses manœuvres, une telle rapidité dans ses évolutions, une telle facilité à se dérober aux poursuites, grâce à son excessive puissance de déplacement, cela était bien pour piquer la curiosité !

À cette époque, de grands progrès avaient été accomplis dans l’art de la navigation mécanique. Les transatlantiques obtenaient de telles vitesses que cinq jours leur suffisaient à franchir la distance entre l’ancien et le nouveau continent. Et les ingénieurs n’avaient pas dit leur dernier mot.

Quant à la marine militaire, elle n’était pas restée en arrière. Les croiseurs, les torpilleurs, les contre-torpilleurs pouvaient lutter avec les plus rapides paquebots de l’Atlantique, du Pacifique et de la mer des Indes.

Toutefois, s’il s’agissait d’un bateau de nouveau modèle, il n’avait pas encore été possible d’observer sa forme extérieure. Mais, quant au moteur dont il disposait, il devait être d’une puissance dont n’approchaient pas les plus perfectionnés. À quel fluide empruntait-il sa valeur dynamique, vapeur ou électricité, impossible de le reconnaître. Le certain, c’est que, dépourvu de voilure, il ne se servait pas du vent, et, dépourvu de cheminée, il ne marchait pas à la vapeur.

À cet endroit du rapport, j’avais une seconde fois interrompu ma lecture, et je réfléchissais à ce que je venais de lire.