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maître du monde

sant pas, je n’y pris garde, et, si mon attention fut attirée à ce sujet, c’est que la bonne Grad m’en parla à mon retour.

Depuis quelques jours, ma vieille servante avait observé que deux hommes semblaient m’épier dans la rue, ils faisaient les cent pas devant ma demeure, et me suivaient, paraît-il, lorsque je remontais Long-Street pour me rendre à l’Hôtel de la police.

« Vous êtes sûre de ce que vous dites ?… demandai-je.

— Oui, monsieur, et, pas plus tard qu’hier, quand vous rentriez, ces individus, qui marchaient sur vos talons, sont partis, dès que la porte a été fermée !

— Voyons, Grad, ce n’est point une erreur…

— Non, monsieur.

— Et, si vous rencontriez ces deux hommes, vous les reconnaîtriez ?…

— Je les reconnaîtrais.

— Allons… allons, ma bonne Grad, répliquai-je en riant, je vois que vous possédez un véritable flair de policeman !… Il faudra que je vous engage dans la brigade de sûreté !…

— Plaisantez, monsieur, plaisantez !… J’ai de bons yeux encore et n’ai point besoin de lunettes pour dévisager les gens !… On vous espionne, ce n’est pas douteux, et vous feriez bien de mettre quelques agents sur la piste de ces espions !…

— Je vous le promets, Grad, répondis-je pour satisfaire la vieille femme, et, avec un de mes détectives, je saurai bientôt à quoi m’en tenir sur ces personnages suspects. »

Au fond, je ne prenais point cette communication au sérieux.

J’ajoutai, cependant :

« Lorsque je sortirai, j’observerai avec plus d’attention les passants…

— Ce sera prudent, monsieur ! »

Grad s’alarmant facilement d’ailleurs, je ne sais pourquoi je ne voulais pas attacher d’importance à son dire.