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Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 1.djvu/258

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mathias sandorf.

souffert lui-même, sans doute il ne pouvait être indifférent aux souffrances d’autrui.

« Ce sont deux Français ! se dit-il. Pauvres diables ! Ils ne font pas recette aujourd’hui ! »

Et alors l’idée lui vint de leur constituer à lui seul un public, — un public payant. Ce ne serait guère qu’une aumône, mais, du moins, une aumône déguisée, et il est probable qu’elle arriverait à la porte, c’est-à-dire vers le morceau de toile qui, en se relevant, donnait accès dans la petite enceinte.

« Entrez, monsieur, entrez ! cria Pointe Pescade. On commence à l’instant !

— Mais… je suis seul… fit observer le jeune homme du ton le plus bienveillant.

— Monsieur, répondit Pointe Pescade avec une fierté quelque peu gouailleuse, de vrais artistes tiennent plus à la qualité qu’à la quantité de leur public !

— Cependant, vous me permettrez bien ?… » reprit le jeune homme en tirant sa bourse.

Et il prit deux florins qu’il déposa dans l’assiette d’étain, placée sur un coin de l’estrade.

« Un brave cœur ! » se dit Pointe Pescade.

Puis se retournant vers son compagnon :

« À la rescousse, Cap Matifou, à la rescousse ! Nous lui en donnerons pour son argent ! »