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le passé et le présent.

raux d’une petite colonie, il était tenu au courant de ce que devenaient ses amis d’autrefois, dont il n’avait jamais perdu la trace, — entre autres, Mme Bathory, son fils et Borik qui avaient quitté Trieste pour venir s’établir à Raguse.

Pierre apprit ainsi pourquoi la goélette Savarèna était arrivée à Gravosa dans ces conditions qui avaient si fort intrigué la curiosité publique, pourquoi le docteur avait rendu visite à Mme Bathory, comment et, sans que son fils en eût jamais rien su, l’argent, mis à sa disposition, avait été refusé, comment le docteur était arrivé à temps pour arracher Pierre à cette tombe dans laquelle il n’était qu’endormi d’un sommeil magnétique.

« Toi, mon fils, ajouta-t-il, oui ! toi, qui, la tête perdue, n’as pas reculé devant un suicide !… »

À ce mot, dans un mouvement d’indignation, Pierre eut la force de se redresser.

« Un suicide !… s’écria-t-il. Avez-vous donc pu croire que je me sois frappé moi-même ?

— Pierre… un moment de désespoir !…

— Désespéré, oui ! je l’étais !… Je me croyais même abandonné de vous, l’ami de mon père, abandonné après des promesses que vous m’aviez faites et que je ne vous demandais pas !… Désespéré, oui ! et je le suis encore !… Mais au désespéré Dieu ne