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divers incidents.

— Monsieur, répondit Pierre Bathory, pourquoi vous le cacherais-je ?… C’est mademoiselle Toronthal ! »

L’effort que dut faire le docteur pour rester calme en entendant ce nom détesté, ce fut celui d’un homme aux pieds duquel tombe la foudre et qui ne tressaille même pas. Un instant — quelques secondes seulement, — il resta immobile et muet.

Puis, sans que sa voix trahît aucune émotion :

« Bien, Pierre, bien ! dit-il. Laissez-moi songer à tout ceci !… Laissez-moi voir…

— Je me retire, monsieur, répondit le jeune homme, en serrant la main que lui tendait le docteur, et permettez-moi de vous remercier comme je remercierais mon père ! »

Pierre Bathory quitta le salon dans lequel le docteur demeura seul. Il remonta sur le pont, reprit son canot qui l’attendait à la coupée, se fit débarquer au môle, et reprit la route de Raguse.

L’étrangère, qui l’avait attendu pendant toute sa visite à bord de la Savarèna, se remit à le suivre.

Pierre Bathory sentait en lui-même comme un immense apaisement. Enfin son cœur s’était ouvert ! Il avait pu se confier à un ami… plus qu’un ami, peut-être ! Il était dans un de ces jours heureux, dont la fortune se montre si avare ici-bas !