Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 3.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

64
mathias sandorf.

centres où le hasard tient boutique sous toutes les formes, à la Bourse, sur les champs de course, dans les cercles des grandes capitales, dans les villes d’eaux comme dans les stations de bains de mer, Silas Toronthal céda à l’entraînement de Sarcany, et fut bientôt réduit à quelques centaines de mille francs. En effet, pendant que le banquier risquait son propre argent, Sarcany risquait celui du banquier, et par cette double pente, tous deux allaient à la ruine deux fois plus vite. D’ailleurs, ce que les joueurs appellent la déveine, — nom dont ils affublent leur inqualifiable sottise, — se prononça très nettement contre eux, et ce ne fut pas faute d’avoir tenté toutes les chances. En définitive, ce furent les tables du baccara qui leur coûtèrent la plus grande partie des millions provenant des biens du comte Mathias Sandorf, et il fallut mettre en vente l’hôtel du Stradone, à Raguse.

Enfin, lassés de ces cercles suspects, où le « rien ne va plus » des croupiers devrait être prononcé dans la langue du Péloponnèse, ils vinrent, en dernier ressort, demander un peu plus d’honnêteté aux hasards de la roulette et du trente et quarante. S’ils étaient dépouillés maintenant, du moins ne pourraient-ils en accuser que leur propre entêtement à lutter contre des chances inégales.