pas la fête, et, malgré l’extrême gravité d’une nouvelle qui pouvait lui coûter l’empire, il ne laissa pas percer plus d’inquiétude…
— Que ne vient d’en montrer notre hôte, lorsque le général Kissoff lui a appris que les fils télégraphiques venaient d’être coupés entre la frontière et le gouvernement d’Irkoutsk.
— Ah ! vous connaissez ce détail ?
— Je le connais.
— Quant à moi, il me serait difficile de l’ignorer, puisque mon dernier télégramme est allé jusqu’à Oudinsk, fit observer Alcide Jolivet avec une certaine satisfaction.
— Et le mien jusqu’à Krasnoiarsk seulement, répondit Harry Blount d’un ton non moins satisfait.
— Alors vous savez aussi que des ordres ont été envoyés aux troupes de Nikolaevsk ?
— Oui, monsieur, en même temps qu’on télégraphiait aux Cosaques du gouvernement de Tobolsk de se concentrer.
— Rien n’est plus vrai, monsieur Blount, ces mesures m’étaient également connues, et croyez bien que mon aimable cousine en saura dès demain quelque chose !
— Exactement comme le sauront, eux aussi, les lecteurs du Daily-Telegraph, monsieur Jolivet.
— Voilà ! Quand on voit tout ce qui se passe !…
— Et quand on écoute tout ce qui se dit !…
— Une intéressante campagne à suivre, monsieur Blount.
— Je la suivrai, monsieur Jolivet.
— Alors, il est possible que nous nous retrouvions sur un terrain moins sûr peut-être que le parquet de ce salon !
— Moins sûr, oui, mais…
— Mais aussi moins glissant ! » répondit Alcide Jolivet, qui retint son collègue, au moment où celui-ci allait perdre l’équilibre en se reculant.
Et, là-dessus, les deux correspondants se séparèrent, assez contents, en somme, de savoir que l’un n’avait pas distancé l’autre. En effet, ils étaient à deux de jeu.
En ce moment, les portes des salles contiguës au grand salon furent ouvertes. Là se dressaient plusieurs vastes tables merveilleusement servies et chargées à profusion de porcelaines précieuses et de vaisselle d’or. Sur la table centrale, réservée aux princes, aux princesses et aux membres du corps diplomatique,