Page:Verne - Michel Strogoff - Un drame au Mexique, 1905.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Alcide Jolivet était donc installé à l’avant du radeau, lorsqu’il sentit une main s’appuyer sur son bras.

Il se retourna et reconnut Nadia, la sœur de celui qui était, non plus Nicolas Korpanoff, mais Michel Strogoff, courrier du czar.

Un cri de surprise allait lui échapper, lorsqu’il vit la jeune fille porter un doigt à ses lèvres.

« Venez, » lui dit Nadia.

Et, d’un air indifférent, Alcide Jolivet, faisant signe à Harry Blount de l’accompagner, la suivit.

Mais, si la surprise des journalistes avait été grande à rencontrer Nadia sur ce radeau, elle fut sans bornes, quand ils aperçurent Michel Strogoff, qu’ils ne pouvaient croire vivant.

À leur approche, Michel Strogoff n’avait pas bougé.

Alcide Jolivet s’était retourné vers la jeune fille.

« Il ne vous voit pas, messieurs, dit Nadia. Les Tartares lui ont brûlé les yeux ! Mon pauvre frère est aveugle ! »

Un vif sentiment de pitié se peignit sur la figure d’Alcide Jolivet et de son compagnon.

Un instant après, tous deux, assis près de Michel Strogoff, lui serraient la main et attendaient qu’il leur parlât.

« Messieurs, dit Michel Strogoff à voix basse, vous ne devez pas savoir qui je suis, ni ce que je suis venu faire en Sibérie. Je vous demande de respecter mon secret. Me le promettez-vous ?

— Sur l’honneur, répondit Alcide Jolivet.

— Sur ma foi de gentleman, ajouta Harry Blount.

— Bien, messieurs.

— Pouvons-nous vous être utile ? demanda Harry Blount. Voulez-vous que nous vous aidions à accomplir votre tâche ?

— Je préfère agir seul, répondit Michel Strogoff.

— Mais ces gueux-là vous ont brûlé la vue, dit Alcide Jolivet.

— J’ai Nadia, et ses yeux me suffisent ! »

Une demi-heure plus tard, le radeau, après avoir quitté le petit port de Livenitchnaia, s’engageait dans le fleuve. Il était cinq heures du soir. La nuit allait venir. Elle devait être très-obscure et très-froide aussi, car la température était déjà au-dessous de zéro.

Alcide Jolivet et Harry Blount, s’ils avaient promis le secret à Michel Strogoff, ne le quittèrent cependant pas. Ils causèrent à voix basse, et l’aveugle,