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hurlements de Tartares qui se faisaient entendre en amont… Puis, peu à peu, ces bruits de profonde angoisse et de joie féroce s’éteignirent dans l’éloignement.

« Pauvres compagnons ! » murmura Nadia.

Pendant une demi-heure, le courant entraîna rapidement le glaçon qui portait Michel Strogoff et Nadia. À tout moment, ils pouvaient craindre qu’il ne s’effondrât sous eux. Pris dans le fil des eaux, il suivait le milieu du fleuve, et il ne serait nécessaire de lui imprimer une direction oblique que lorsqu’il s’agirait d’accoster les quais d’Irkoutsk.

Michel Strogoff, les dents serrées, l’oreille au guet, ne prononçait pas une seule parole. Jamais il n’avait été si près du but. Il sentait qu’il allait l’atteindre !…

Vers deux heures du matin, une double rangée de lumières étoila le sombre horizon dans lequel se confondaient les deux rives de l’Angara.

À droite, c’étaient les lueurs jetées par Irkoutsk. À gauche, les feux du camp tartare.

Michel Strogoff n’était plus qu’à une demi-verste de la ville.

« Enfin ! » murmura-t-il.

Mais, soudain, Nadia poussa un cri.

À ce cri, Michel Strogoff se redressa sur le glaçon, qui vacillait. Sa main se tendit vers le haut de l’Angara. Sa figure, tout éclairée de reflets bleuâtres, devint effrayante à voir, et alors, comme si ses yeux se fussent rouverts à la lumière :

« Ah ! s’écria-t-il, Dieu lui-même est donc contre nous ! »


CHAPITRE XII

irkoutsk.


Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale, est une ville peuplée, en temps ordinaire, de trente mille habitants. Une berge assez élevée, qui se dresse sur la rive droite de l’Angara, sert d’assise à ses églises, que domine une haute cathédrale, et à ses maisons, disposées dans un pittoresque désordre.

Vue d’une certaine distance, du haut de la montagne qui se dresse à une vingtaine de verstes sur la grande route sibérienne, avec ses coupoles, ses cloche-