Page:Verne - Michel Strogoff - Un drame au Mexique, 1905.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

c’est la route la meilleure et la plus sûre par laquelle on puisse franchir les monts Ourals ?

— Probablement.

— Une fois la frontière passée, nous serons en Sibérie, c’est-à-dire en pleine invasion.

— Nous y serons !

— Eh bien alors, mais seulement alors, ce sera le moment de dire : « Chacun pour soi, et Dieu pour… »

— Dieu pour moi !

— Dieu pour vous, tout seul ! Très-bien ! Mais, puisque nous avons devant nous une huitaine de jours neutres, et puisque très-certainement les nouvelles ne pleuvront pas en route, soyons amis jusqu’au moment où nous redeviendrons rivaux.

— Ennemis.

— Oui ! c’est juste, ennemis ! Mais, jusque-là, agissons de concert et ne nous entre-dévorons pas ! Je vous promets, d’ailleurs, de garder pour moi tout ce que je pourrai voir…

— Et moi, tout ce que je pourrai entendre.

— Est-ce dit ?

— C’est dit.

— Votre main ?

— La voilà. »

Et la main du premier interlocuteur, c’est-à-dire cinq doigts largement ouverts, secoua vigoureusement les deux doigts que lui tendit flegmatiquement le second.

« À propos, dit le premier, j’ai pu, ce matin, télégraphier à ma cousine le texte même de l’arrêté dès dix heures dix-sept minutes.

— Et moi je l’ai adressé au Daily-Telegraph dès dix heures treize.

— Bravo, monsieur Blount.

— Trop bon, monsieur Jolivet.

— À charge de revanche !

— Ce sera difficile !

— On essayera pourtant ! »

Ce disant, le correspondant français salua familièrement le correspondant anglais, qui, inclinant sa tête, lui rendit son salut avec une raideur toute britannique.

Ces deux chasseurs de nouvelles, l’arrêté du gouverneur ne les concernait pas, puisqu’ils n’étaient ni Russes, ni étrangers d’origine asiatique. Ils étaient