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Il existe un service de malle-poste qui franchit assez rapidement la chaîne des monts Ourals, mais, les circonstances étant données, ce service était désorganisé. Ne l’eût-il pas été, que Michel Strogoff, voulant aller rapidement, sans dépendre de personne, n’aurait pas pris la malle-poste. Il préférait, avec raison, acheter une voiture et courir de relais en relais, en activant par des « na vodkou »[1] supplémentaires le zèle de ces postillons appelés iemschiks dans le pays.

Malheureusement, par suite des mesures prises contre les étrangers d’origine asiatique, un grand nombre de voyageurs avaient déjà quitté Perm, et, par conséquent, les moyens de transport étaient extrêmement rares. Michel Strogoff serait donc dans la nécessité de se contenter du rebut des autres. Quant aux chevaux, tant que le courrier du czar ne serait pas en Sibérie, il pourrait sans danger exhiber son podaroshna, et les maîtres de poste attelleraient pour lui de préférence. Mais, ensuite, une fois hors de la Russie européenne, il ne pourrait plus compter que sur la puissance des roubles.

Mais à quel genre de véhicule atteler ces chevaux ? À une télègue ou à un tarentass ?

La télègue n’est qu’un véritable chariot découvert, à quatre roues, dans la confection duquel il n’entre absolument que du bois. Roues, essieux, chevilles, caisse, brancards, les arbres du voisinage ont tout fourni, et l’ajustement des diverses pièces dont la télègue se compose n’est obtenu qu’au moyen de cordes grossières. Rien de plus primitif, rien de moins confortable, mais aussi rien de plus facile à réparer, si quelque accident se produit en route. Les sapins ne manquent pas sur la frontière russe, et les essieux poussent naturellement dans les forêts. C’est au moyen de la télègue que se fait la poste extraordinaire, connue sous le nom de « perekladnoï », et pour laquelle toutes routes sont bonnes. Quelquefois, il faut bien l’avouer, les liens qui attachent l’appareil se rompent, et, tandis que le train de derrière reste embourbé dans quelque fondrière, le train de devant arrive au relais sur ses deux roues, — mais ce résultat est considéré déjà comme satisfaisant.

Michel Strogoff aurait bien été forcé d’employer la télègue, s’il n’eût été assez heureux pour découvrir un tarentass.

Ce n’est pas que ce dernier véhicule soit le dernier mot du progrès de l’industrie carrossière. Les ressorts lui manquent aussi bien qu’à la télègue ; le bois, à défaut du fer, n’y est pas épargné ; mais ses quatre roues, écartées de huit à

  1. Pourboires