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Page:Verne - Mirifiques aventures de Maître Antifer, 1894.djvu/119

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un quidam véritablement digne d’attirer son attention.

C’était un étranger — un étranger coiffé d’un fez rougeâtre à gland noir, enveloppé d’une longue lévite fermée jusqu’au col d’un seul rang de boutons, vêtu d’un pantalon bouffant qui tombait sur de larges souliers en forme de babouches. Pas jeune, ce type !… de soixante à soixante-cinq ans, un peu courbé, et tenant ses longues mains osseuses étalées sur sa poitrine. Que ce bonhomme-là fût ou non le Levantin attendu, il n’était pas douteux qu’il vînt des pays que baigne la Méditerranée orientale, un Égyptien, un Arménien, un Syriaque, un Ottoman…

Bref, l’étranger suivait maître Antifer d’un pas hésitant, tantôt sur le point de l’accoster, tantôt s’arrêtant par crainte de commettre une erreur. Enfin, à l’angle du quai, il hâta sa marche, devança le Malouin, se retourna et revint si précipitamment sur ses pas que les deux masses se heurtèrent.

« Diable soit du maladroit !… » s’écria maître Antifer, ébranlé par la collision.

Puis, se frottant les yeux, abritant son regard sous sa main tendue à la hauteur du