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campagne dans la mer de timor.

Voilà ce que pensait le capitaine Ellis, ce que disaient les hommes du Dolly-Hope. Tel avait dû être le sort des survivants du Franklin, s’il s’était perdu dans le détroit de Torrès… Restait, il est vrai, le cas où il ne se serait pas engagé à travers ce détroit ; mais alors, de quelle façon expliquer que ce fragment de sa guibre eût été rencontré au large de l’île Melville ?

Le capitaine Ellis se lança intrépidement à travers ces redoutables passes, prenant en même temps toutes les mesures que commandait la prudence. Ayant un bon steamer, des officiers vigilants, un équipage courageux et de sang-froid, il comptait bien se débrouiller au milieu de ce labyrinthe d’écueils et aussi tenir en respect les indigènes qui tenteraient de l’attaquer.

Lorsque — pour une raison ou pour une autre — les bâtiments embouquent le détroit de Torrès, dont l’ouverture est sillonnée de bancs de coraux du côté de l’océan Pacifique, ils longent de préférence la côte australienne. Mais, dans le sud de la Papouasie, il existe une assez grande île, l’île Murray, qu’il importait de visiter avec soin.

Pour cela, le Dolly-Hope s’avança entre les deux dangereux récifs désignés par les noms Eastern-Fields et Boot-Reef. Et même, ce dernier, par la disposition de ses roches, présentant de loin l’apparence d’un navire naufragé, on put croire que c’étaient les restes du Franklin. De là une émotion de courte durée, car la chaloupe à vapeur eut bientôt permis de constater qu’il n’y avait là qu’un bizarre amoncellement de masses coralligènes.

Plusieurs canots, simples troncs d’arbres creusés au feu ou à la hache, munis de balanciers qui assurent leur stabilité en mer, manœuvrés à la pagaie par cinq ou six naturels, furent aperçus aux approches de l’île Murray. Ces naturels s’en tinrent à des cris, ou plutôt à de véritables hurlements de fauves. Sous petite vapeur, le Dolly-Hope put faire le tour de l’île, sans avoir à repousser leur agression. Nulle part, on n’aperçut les débris d’un naufrage. Sur ces îles et îlots, rien que de noirs indigènes aux formes athlétiques, à la