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mistress branican.

Elle se maîtrisa, pourtant, fit signe à Zach Fren de la suivre, et se rendit à la gare du railway, qui met le port en communication avec la ville.

Melbourne, en effet, est située en arrière du littoral, sur la rive gauche de la rivière Yarra-Yarra, à une distance de deux kilomètres, — distance que les trains franchissent en quelques minutes. Là s’élève cette cité avec sa population de trois cent mille habitants, capitale de la magnifique colonie de Victoria, qui en compte près d’un million, et sur laquelle, depuis 1851, on est fondé à dire que le mont Alexandre a versé tout l’or de ses gisements.

Mrs. Branican, bien qu’elle fût descendue dans un des hôtels les moins fréquentés de la ville, n’aurait pu échapper à la curiosité, — d’ailleurs très sympathique, — qu’excitait en tous lieux sa présence. Aussi, en compagnie de Zach Fren, préféra-t-elle parcourir les rues de la ville, dont son regard, si étrangement préoccupé, ne devait à peu près rien voir.

Une Américaine, en somme, n’eût éprouvé aucune surprise ni goûté aucun plaisir à visiter une ville des plus modernes. Quoique fondée douze ans après San-Francisco de Californie, Melbourne lui ressemble « en moins bien », comme on dit : des rues larges, se coupant à angle droit, des squares auxquels manquent les gazons et les arbres, des banques par centaines, des offices où se brassent d’énormes affaires, un quartier qui concentre le commerce de détail, des édifices publics, églises, temples, université, musée, muséum, bibliothèque, hôpital, hôtel de ville, écoles qui sont des palais, palais dont quelques-uns seraient insuffisants pour des écoles, un monument élevé aux deux explorateurs Burke et Wills, qui succombèrent en essayant de traverser le continent australien du sud au nord ; puis, le long de ces rues et de ces boulevards, des passants assez rares en dehors du quartier des affaires ; un certain nombre d’étrangers, surtout des Juifs de race allemande, qui vendent de l’argent comme d’autres vendent du bétail ou de la laine, et à un bon prix – afin de réjouir le cœur d’Israël.