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Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/267

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mistress branican.

croyait que la baie de San-Diégo avait à jamais englouti le pauvre petit être… Mais il n’était pas mort… et on l’a sauvé… Ceux qui l’ont sauvé ne connaissaient pas sa mère… Et sa mère, c’était moi… moi, alors privée de raison !… Cet enfant, ce n’est pas Godfrey qu’il se nomme… c’est Wat… c’est mon fils !… Dieu a voulu me le rendre avant de me réunir à son père… »

Zach Fren avait écouté Mrs. Branican sans oser l’interrompre. Il comprenait que la malheureuse femme ne pouvait parler autrement. Toutes les apparences lui donnaient raison. Elle suivait son idée avec l’irréfutable logique d’une mère. Et le brave marin sentait son cœur se briser, car ces illusions, c’était son devoir de les détruire. Il fallait arrêter Dolly sur cette pente, qui aurait pu la conduire à un nouvel abîme.

Il le fit, sans hésiter — presque brutalement.

« Mistress Branican, dit-il, vous vous trompez !… Je ne veux pas, je ne dois pas vous laisser croire ce qui n’est point !… Cette ressemblance, ce n’est qu’un hasard… Votre petit Wat est mort… oui ! mort !… Il a péri dans la catastrophe, et Godfrey n’est pas votre fils…

— Wat est mort ?… s’écria Mrs. Branican. Et qu’en savez-vous ?… Et qui peut l’affirmer ?…

— Moi, mistress.

— Vous ?…

— Huit jours après la catastrophe de la baie, le corps d’un enfant a été rejeté sur la grève, à la pointe Loma… C’est moi qui l’ai retrouvé… J’ai prévenu M. William Andrew… Le petit Wat, reconnu par lui, a été enterré au cimetière de San-Diégo, où nous avons souvent porté des fleurs sur sa tombe…

— Wat !… mon petit Wat… là-bas… au cimetière !… Et on ne me l’a jamais dit !

— Non, mistress, non ! répondit Zach Fren. Vous n’aviez plus votre raison alors, et, quatre ans après, lorsque vous l’avez recouvrée, on craignait… M. William Andrew pouvait redouter… en renouvelant vos douleurs… et il s’est tu !… Mais votre enfant est mort,