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Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/325

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mistress branican.

— Non… Dolly !

— Eh bien, Jane, je vais te dire ce que je n’ai dit à personne. Oui… lorsque je suis revenue à la raison… oui… j’ai eu le pressentiment que John était vivant, que je n’étais pas veuve… Et il m’a semblé aussi…

— Aussi ?… » demanda Jane.

Les yeux empreints d’une terreur inexplicable, le regard effaré, elle attendait ce que Dolly allait dire.

« Oui ! Jane, reprit Dolly, j’ai eu le sentiment que j’étais toujours mère ! »

Jane s’était relevée, ses mains battaient l’air comme si elle eût voulu chasser quelque horrible image, ses lèvres s’agitaient sans qu’elle parvînt à prononcer une parole. Dolly, absorbée dans sa propre pensée, ne remarqua pas cette agitation, et Jane était parvenue à retrouver un peu de calme à l’extérieur du moins, lorsque son mari se montra à la porte de la chambre.

Len Burker, resté sur le seuil, regardait sa femme et semblait lui demander :

« Qu’as-tu dit ? »

Jane retomba anéantie devant cet homme. Invincible domination d’un esprit fort sur un esprit faible, Jane était annihilée sous le regard de Len Burker.

Mrs. Branican le comprit. La vue de Len Burker lui rappela son passé, et ce que Jane avait enduré près de lui. Mais cette révolte de son cœur ne dura qu’un instant. Dolly était résolue à écarter ses récriminations, à dompter ses répulsions, afin de ne plus être séparée de la malheureuse Jane.

« Len Burker, dit-elle, vous savez pourquoi je suis venue en Australie. C’est un devoir auquel je me dévouerai jusqu’au jour où je reverrai John, car John est vivant. Puisque le hasard vous a placé sur ma route, puisque j’ai retrouvé Jane, la seule parente qui me reste, laissez-la moi, et permettez qu’elle m’accompagne comme elle le désire… »