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mistress branican.

par déserter, je crains que cela arrive, principalement si l’idée en vient aux noirs de l’escorte, bien que Tom Marix ne cesse de me rassurer à cet égard.

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Du 17 au 27 décembre. — Le voyage se poursuit dans ces conditions.

Pendant les premiers jours de la semaine, le temps s’est modifié avec le vent qui souffle plus vivement. Quelques nuages sont montés du nord, présentant des volutes arrondies. On dirait de grosses bombes qu’une étincelle suffirait à faire éclater.

Ce jour-là — 23 — l’étincelle a jailli, un éclair a sillonné l’espace. Les éclats stridents de la foudre se sont produits avec une intensité rare, mais sans être suivis de ces roulements prolongés que les échos se renvoient dans les pays montagneux. En même temps, les courants atmosphériques se sont déchaînés d’une telle violence que nous n’avons pu tenir sur nos bêtes. Il a fallu en descendre et même s’étendre sur le sol. Zach Fren, Godfrey, Tom Marix et Len Burker ont eu beaucoup de peine à protéger notre kibitka contre l’impétuosité des rafales. Quant à camper sous de tels assauts, à dresser nos tentes entre les touffes de spinifex, impossible d’y songer. En un instant, tout le matériel eût été dispersé, lacéré, mis hors d’usage.

« Cela n’est rien, dit Zach Fren en se frottant les mains. Un orage est bientôt passé.

— Vive l’orage, s’il donne de l’eau ! » s’écria Godfrey.

Godfrey a raison : de l’eau ! de l’eau ! c’est notre cri… Mais pleuvra-t-il ?… Toute la question est là ?…

Oui, c’est toute la question car une pluie abondante, ce serait pour nous la manne du désert. Par malheur, l’air était si sec — ce qui se reconnaissait à la singulière brièveté des coups de tonnerre — que l’eau des nuages pourrait bien rester à l’état de vapeur et ne point se résoudre en pluie. Et pourtant, il eût été difficile d’imaginer