Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/416

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
383
indices et incidents.

poumons, comme s’il se fût échappé d’une fournaise. Le ciel, très pur, d’un bleu cru, tel qu’il apparaît dans certaines régions méditerranéennes au moment d’un déchaînement de mistral, offrait un aspect étrange et menaçant.

Tom Marix regardait cet état de l’atmosphère d’un air d’anxiété qui n’échappa point à Zach Fren.

« Vous flairez quelque chose, lui dit le maître, et quelque chose qui ne vous va pas ?…

— Oui, Zach, répondit Tom Marix. Je m’attends à un coup de simoun, dans le genre de ceux qui ravagent les déserts de l’Afrique.

— Et bien… du vent… ce serait de l’eau, sans doute ? fit observer Zach Fren.

— Non point, Zach, ce serait une sécheresse plus effroyable encore, et ce vent-là, dans le centre de l’Australie, on ne sait pas ce dont il est capable ! »

Cette observation, venant d’un homme si expérimenté, était de nature à causer une profonde inquiétude à Mrs. Branican et ses compagnons.

Les précautions furent donc prises en vue d’un « coup de temps », pour employer une expression familière aux marins. Il était neuf heures du soir. Les tentes n’avaient point été dressées — ce qui était inutile par ces nuits brûlantes — au milieu des dunes sablonneuses de la plaine. Après avoir apaisé sa soif à l’eau des tonnelets, chacun prit sa part de vivres que Tom Marix venait de faire distribuer. C’est à peine si l’on songeait à satisfaire sa faim. Ce qu’il aurait fallu, c’était de l’air frais ; l’estomac souffrait moins que les organes de la respiration. Quelques heures de sommeil auraient fait plus de bien à ces pauvres gens que quelques bouchées de nourriture. Mais était-il loisible de dormir au milieu d’une atmosphère si étouffante qu’on eût pu la croire raréfiée !

Jusqu’à minuit, il ne se produisit rien d’anormal. Tom Marix, Zach Fren et Godfrey veillaient tour à tour. Tantôt l’un, tantôt l’autre se