Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
trois mois se passent.

Et cependant, bien que M. William Andrew ne conservât plus alors aucune espérance au sujet de Dolly, d’après les médecins, une modification dans son état mental était encore possible, si elle éprouvait une secousse violente, par exemple le jour où son mari reparaîtrait devant elle. Cette chance, il est vrai, c’était la seule qui restât, et, si faible qu’elle fût, M. William Andrew ne voulut pas la négliger dans sa dépêche à John Branican. Aussi, après l’avoir supplié de ne point s’abandonner au désespoir, il l’engageait à remettre au second, Harry Felton, le commandement du Franklin, et à revenir à San-Diégo par les voies les plus rapides. Cet excellent homme eût sacrifié ses intérêts les plus chers pour tenter cette dernière épreuve sur Dolly et il demandait au jeune capitaine de lui répondre télégraphiquement ce qu’il croirait devoir faire.

Lorsque Len Burker eut pris connaissance de cette dépêche que M. William Andrew jugea convenable de lui communiquer, il l’approuva, tout en exprimant sa crainte que le retour de John fût impuissant à produire un ébranlement moral dont on pût espérer quelque salutaire effet. Mais Jane se rattacha à cet espoir, que la vue de John pourrait rendre la raison à Dolly, et Len Burker promit de lui écrire dans ce sens, afin qu’il ne retardât pas son départ pour San-Diégo — promesse qu’il ne tint pas, d’ailleurs.

Pendant les semaines qui suivirent, aucun changement ne se produisit dans l’état de Mrs. Branican. Si la vie physique n’était nullement troublée en elle, et bien que la santé ne laissât rien à désirer, l’altération de sa physionomie n’était que trop visible. Ce n’était plus cette femme qui n’avait pas encore atteint sa vingt et unième année, avec ses traits plus accusés, son teint dont la coloration si chaude avait pâli, comme si le feu de l’âme se fût éteint en elle. D’ailleurs il était rare qu’on pût l’apercevoir, à moins que ce fût dans le jardin du chalet, assise sur quelque banc, ou se promenant auprès de Jane, qui la soignait avec un dévouement infatigable.

Au commencement du mois de juin, il y avait deux mois et demi que le Franklin avait quitté le port de San-Diégo. Depuis sa ren-