Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
mistress branican.

à son service, elle reçut tous les soins que réclamait son état.

Mais la secousse avait été si rude qu’une fièvre intense s’en suivit. Il y eut même quelques jours de délire, dont les médecins se montrèrent très inquiets, bien que Dolly fût rentrée dans la plénitude de ses facultés intellectuelles. À la vérité, lorsque le moment serait venu de lui faire connaître toute l’étendue de son malheur, que de précautions il y aurait à prendre !

Et d’abord, la première fois que Dolly demanda depuis combien de temps elle était privée de raison :

« Depuis deux mois, répondit le docteur Brumley, qui était préparé à cette question.

— Deux mois… seulement ! » murmura-t-elle.

Et il lui semblait qu’un siècle avait passé sur sa tête !

« Deux mois ! ajouta-t-elle. John ne peut encore être de retour, puisqu’il n’y a que trois mois qu’il est parti !… Et sait-il que notre pauvre petit enfant ?…

— Monsieur Andrew a écrit… répliqua sans hésiter le docteur Brumley.

— Et a-t-on reçu des nouvelles du Franklin ?… »

Réponse fut faite à Mrs. Branican que le capitaine John avait dû écrire de Singapore, mais que ses lettres n’avaient pu encore parvenir. Toutefois, d’après les correspondances maritimes, il y avait lieu de croire que le Franklin ne tarderait pas à arriver aux Indes. Des dépêches étaient attendues sous peu de temps. Puis Dolly ayant demandé pourquoi Jane Burker n’était pas près d’elle, le docteur lui répondit que M. et Mrs. Burker étaient en voyage, et que l’on n’était pas fixé sur l’époque de leur retour. C’était à M. William Andrew qu’incombait la tâche d’apprendre à Mrs. Branican la catastrophe du Franklin. Mais il fut convenu qu’il ne parlerait que lorsque sa raison serait assez raffermie pour supporter ce nouveau coup. Il aurait même soin de ne lui révéler que peu à peu les faits permettant de conclure qu’il ne restait aucun survivant du naufrage.