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nord contre sud.

Mais, de ce côté, des voix se firent entendre. Elles se hélaient bruyamment. Il y avait certainement sur cette partie du fleuve plusieurs embarcations qui croisaient de conserve.

Tout d’un coup, et comme si une immense houppe eut largement balayé l’espace, les vapeurs retombèrent en eau pulvérisée à la surface du Saint-John.

Gilbert ne put retenir un cri.

Le gig était au milieu d’une douzaine d’embarcations, chargées de surveiller cette partie du chenal, dont la barre coupait le sinueux passage après une longue ligne oblique.

« Les voilà !… Les voilà ! »

Telles furent les exclamations que se renvoyèrent les bateaux de l’un à l’autre.

« Oui, nous voilà ! répondit le jeune lieutenant. Revolver et coutelas aux mains, Mars, et défendons-nous ! »

Se défendre à deux contre une trentaine d’hommes !

En un instant, trois ou quatre embarcations avaient abordé le gig. Des détonations éclatèrent. Seuls, les revolvers de Gilbert et de Mars, que l’on voulait prendre vivants, avaient fait feu. Trois ou quatre marins furent tués ou blessés. Mais, dans cette lutte inégale, comment Gilbert et son compagnon n’auraient-ils pas succombé ?

Le jeune lieutenant fut garrotté, malgré son énergique résistance, puis transporté dans une des embarcations.

« Fuis… Mars !… Fuis !… », cria-t-il une dernière fois.

D’un coup de son coutelas, Mars se débarrassa de l’homme qui le tenait. Avant qu’on eût pu le ressaisir, l’intrépide mari de Zermah s’était précipité dans le fleuve. En vain chercha-t-on à le reprendre. Il venait de disparaître au milieu des tourbillons de la barre, dont les eaux tumultueuses se changent en torrents au retour de la marée montante.