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nord contre sud.

Alors elle s’ingéniait à distraire la petite fille, qui montrait plus de raison que n’en comportait son âge.

Le 4, le 5, le 6 mars s’étaient écoulés, cependant. Bien que Zermah eût cherché à entendre si quelque détonation lointaine n’annonçait pas la présence de la flottille fédérale sur les eaux du Saint-John, aucun bruit n’était arrivé jusqu’à elle. Tout était silence au milieu de la Crique-Noire. Il fallait en conclure que la Floride n’appartenait pas encore aux soldats de l’Union. Cela inquiétait la métisse au plus haut point. À défaut de James Burbank et des siens, pour le cas où ils auraient été mis dans l’impossibilité d’agir, ne pouvait-elle au moins attendre l’intervention de Gilbert et de Mars ? Si leurs canonnières eussent été maîtresses du fleuve, ils en auraient fouillé les rives, ils auraient su arriver jusqu’à l’îlot. N’importe qui, du personnel de Camdless-Bay, les eût instruits de ce qui s’était passé. Et rien n’indiquait un combat sur les eaux du fleuve.

Ce qui était singulier, aussi, c’est que l’Espagnol ne s’était pas encore montré une seule fois au fortin, ni de jour ni de nuit. Du moins, Zermah n’avait rien observé qui fût de nature à le faire supposer. Pourtant, à peine dormait-elle, et ces longues heures d’insomnie, elle les passait à écouter — inutilement jusqu’alors.

D’ailleurs, qu’aurait-elle pu faire, si Texar fût venu à la Crique-Noire, s’il l’eût fait comparaître devant lui ? Est-ce qu’il aurait écouté ses supplications ou ses menaces ? La présence de l’Espagnol n’était-elle pas plus à craindre que son absence ?

Or, pour la millième fois, Zermah songeait à tout cela dans la soirée du 6 mars. Il était environ onze heures. La petite Dy dormait d’un sommeil assez paisible.

La chambre, qui leur servait de cellule à toutes deux, était plongée dans une obscurité profonde. Aucun bruit ne se propageait au dedans, si ce n’est, parfois, le sifflement de la brise à travers les ais vermoulus du blockhaus.

À ce moment, la métisse crut entendre marcher à l’intérieur du réduit. Elle supposa d’abord que ce devait être l’Indien qui regagnait sa chambre,