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camdless-bay.

de son personnel, et auquel les capitaux ne manquaient point, était-elle en parfait état de prospérité.

Un périmètre de douze milles, une surface de quatre mille acres[1], telle était la contenance superficielle de cette plantation. S’il en existait de plus grandes dans les États du sud de l’Union, il n’en était pas de mieux aménagées. Maison d’habitation, communs, écuries, étables, logements pour les esclaves, bâtiments d’exploitation, magasins destinés à contenir les produits du sol, chantiers disposés pour leur manipulation, ateliers et usines, railways convergeant de la périphérie du domaine vers le petit port d’embarquement, routes pour les charrois, tout était merveilleusement compris au point de vue pratique. Que ce fut un Américain du Nord qui eût conçu, ordonné, exécuté ces travaux, cela se voyait dès le premier coup d’œil. Seuls, les établissements de premier ordre de la Virginie ou des Carolines eussent pu rivaliser avec le domaine de Camdless-Bay. En outre, le sol de la plantation comprenait des « high-hummoks », hautes terres naturellement appropriées à la culture des céréales, des « low-hummoks », basses terres qui conviennent plus spécialement à la culture des caféiers et des cacaoyers, des « marshs », sortes de savanes salées, où prospèrent les rizières et les champs de cannes à sucre.

On le sait, les cotons de la Géorgie et de la Floride sont des plus appréciés sur les divers marchés de l’Europe et de l’Amérique, grâce à la longueur et la qualité de leurs soies. Aussi, les champs de cotonniers, avec leurs plants dessinés en lignes régulièrement espacées, leurs feuilles d’un vert tendre, leurs fleurs de ce jaune où l’on retrouve la pâleur des mauves, produisaient-ils un des plus importants revenus de la plantation. À l’époque de la récolte, ces champs, d’une superficie d’un acre à un acre et demi, se couvraient de cases où demeuraient alors les esclaves, femmes et enfants, chargés de cueillir les capsules et d’en tirer les flocons, — travail très délicat qui ne doit point en altérer les fibres. Ce coton, séché au soleil, nettoyé par le moulinage au moyen de roues à dents et de rouleaux, comprimé à la presse hydraulique, mis en ballots cerclés de fer, était ainsi emmagasiné pour l’exportation. Les

  1. Environ 3 000 hectares.