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saint-augustine.

quaires avec ses tours, ses bastions, sa demi-lune, ses mâchicoulis, ses vieilles armes et ses vieux mortiers, plus dangereux pour ceux qui les tirent que pour ceux qu’ils visent.

C’était précisément ce fort que la garnison confédérée avait précipitamment abandonné à l’approche de la flottille fédérale, bien que le gouvernement, quelques années avant la guerre, l’eût rendu plus sérieux au point de vue de la défense. Aussi, après le départ des milices, les habitants de Saint-Augustine l’avaient-ils volontiers remis au commodore Dupont, qui le fit occuper sans coup férir.

Cependant les poursuites intentées à l’Espagnol Texar avaient eu un grand retentissement dans le comté. Il semblait que ce dût être le dernier acte de la lutte entre ce personnage suspect et la famille Burbank. L’enlèvement de la petite fille et de la métisse Zermah était de nature à passionner l’opinion publique, qui, d’ailleurs, se prononçait vivement en faveur des colons de Camdless-Bay. Nul doute que Texar fût l’auteur de l’attentat. Même pour des indifférents, il devait être curieux de voir comment cet homme s’en tirerait, et s’il n’allait pas enfin être puni de tous les forfaits dont on l’accusait depuis longtemps.

L’émotion promettait donc d’être assez considérable à Saint-Augustine. Les propriétaires des plantations environnantes y affluaient. La question était de nature à les intéresser directement, puisque l’un des chefs d’accusation portait sur l’envahissement et le pillage du domaine de Camdless-Bay. D’autres établissements avaient été également ravagés par des bandes de sudistes. Il importait de savoir comment le gouvernement fédéral envisagerait ces crimes de droit commun, perpétrés sous le couvert de la politique séparatiste.

Le principal hôtel de Saint-Augustine, City-Hotel, avait reçu bon nombre de visiteurs, dont la sympathie était tout acquise à la famille Burbank. Il aurait pu en contenir un plus grand nombre encore. En effet, rien de mieux approprié que cette vaste habitation du seizième siècle, ancienne demeure du corrégidor, avec sa « puerta » ou porte principale, couverte de sculptures, sa large « sala » ou salle d’honneur, sa cour intérieure, dont les colonnes sont enguirlandées de passiflores, sa vérandah sur laquelle s’ouvrent les confortables