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nord contre sud.

fallut, néanmoins, armer les avirons pour maintenir la vitesse. Les noirs se mirent à la besogne, et, sous la poussée de cinq couples vigoureux, l’embarcation continua de remonter rapidement le fleuve.

Mars, silencieux, se tenait au gouvernail, évoluant d’une main sûre à travers les bras que les îles et les îlots forment au milieu du Saint-John. Il suivait les passes dans lesquelles le courant se propageait avec moins de violence. Il s’y lançait sans une hésitation. Jamais il ne s’engageait, par erreur, en un chenal impraticable, jamais il ne risquait de s’échouer sur un haut fond que la marée basse allait bientôt laisser à sec. Il connaissait le lit du fleuve jusqu’au lac George, comme il en connaissait les détours au-dessous de Jacksonville, et il dirigeait l’embarcation avec autant de sûreté que les canonnières du commandant Stevens qu’il avait pilotées à travers les sinuosités de la barre.

En cette partie de son cours, le Saint-John était désert. Le mouvement de batellerie qui s’y produit d’habitude pour le service des plantations, n’existait plus depuis la prise de Jacksonville. Si quelque embarcation le remontait ou le descendait encore, c’était uniquement pour les besoins des troupes fédérales et les communications du commodore Stevens avec ses sous-ordres. Et même, très probablement, en amont de Picolata, ce mouvement serait absolument nul.

James Burbank arriva devant ce petit bourg vers six heures du soir. Un détachement de nordistes occupait alors l’appontement de l’escale. L’embarcation fut hélée et dut faire halte près du quai.

Là, Gilbert Burbank se fit reconnaître de l’officier qui commandait à Picolata, et, muni du laisser-passer que lui avait remis le commandant Stevens, il put continuer sa route.

Cette halte n’avait duré que quelques instants. Comme la marée montante commençait à se faire sentir, les avirons restèrent au repos, et l’embarcation suivit rapidement sa route entre les bois profonds qui s’étendent de chaque côté du fleuve. Sur la rive gauche, la forêt allait faire suite au marécage, quelques milles au-dessus de Picolata. Quant aux forêts de la rive droite, plus touffues, plus profondes, véritablement interminables, on devait dépasser