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les everglades.

le vol des innombrables oiseaux qui passent à leur surface. Elles ne sont pas poissonneuses, mais les serpents y pullulent.

Il ne faudrait pas croire, cependant, que le caractère général de cette région soit l’aridité. Non, et c’est précisément à la surface des îles, baignées par les eaux malsaines des lacs, que la nature reprend ses droits. La malaria est, pour ainsi dire, vaincue par les parfums que répandent les admirables fleurs de cette zone. Les îles sont embaumées des odeurs de mille plantes, épanouies avec une splendeur qui justifie le poétique nom de la péninsule floridienne. Aussi est-ce en ces oasis salubres des Everglades que les Indiens nomades vont se réfugier pendant leurs haltes, dont la durée n’est jamais longue.

Lorsqu’on a pénétré de quelques milles sur ce territoire, on trouve une assez vaste nappe d’eau, le lac Okee-cho-bee, situé un peu au-dessous du vingt-septième parallèle. C’était dans un angle de ce lac que gisait l’île Carneral, où Texar s’était assuré une retraite inconnue, dans laquelle il pouvait défier toute poursuite.

Contrée digne de Texar et de ses compagnons ! Alors que la Floride appartenait encore aux Espagnols, n’est-ce pas là, plus particulièrement, que s’enfuyaient les malfaiteurs de race blanche, afin d’échapper à la justice de leur pays ? Mêlés aux populations indigènes, chez lesquelles se retrouve encore le sang caraïbe, n’ont-ils pas fait souche de ces Creeks, de ces Séminoles, de ces Indiens nomades, qu’il a fallu réduire par une longue et sanglante guerre, et dont la soumission, plus ou moins complète, ne date que de 1845 ?

L’île Carneral semble devoir être à l’abri de toute agression. Dans sa partie orientale, il est vrai, elle n’est séparée que par un étroit canal de la terre ferme — si l’on peut donner ce nom au marécage qui entoure le lac. Ce canal mesure une centaine de pieds qu’il faut franchir avec une barge grossière. Nul autre moyen de communication.

S’échapper de ce côté, passer à la nage, c’est impossible. Comment oserait-on se risquer à travers ces eaux limoneuses, hérissées de longues herbes enlaçantes et qui fourmillent de reptiles ?