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les everglades.

elle ignorait que le billet remis par elle au jeune esclave était tombé entre les mains de James Burbank, du moins savait-elle qu’il avait payé de sa vie l’acte de dévouement qu’il voulait accomplir pour la sauver. Surpris au moment où il cherchait à quitter l’îlot pour se rendre à Camdless-Bay, il avait été frappé mortellement. Et alors la métisse se disait que James Burbank ne serait jamais instruit de ce qu’elle avait appris du malheureux noir, c’est-à-dire que l’Espagnol et son personnel se préparaient à partir pour l’île Carneral. Dans ces conditions, comment parviendrait-on à se lancer sur ses traces ?

Zermah ne pouvait donc plus conserver l’ombre d’un espoir. En outre toute chance de salut allait s’évanouir au milieu de cette région dont elle connaissait, par ouï-dire, les sauvages horreurs. Elle ne le savait que trop ! Aucune évasion ne serait possible !

En arrivant, la petite fille se trouvait dans un état d’extrême faiblesse. La fatigue, d’abord, malgré les soins incessants de Zermah, puis l’influence d’un climat détestable, avaient profondément altéré sa santé. Pâle, amaigrie, comme si elle eût été empoisonnée par les émanations de ces marécages, elle n’avait plus la force de se tenir debout, à peine celle de prononcer quelques paroles, et c’était toujours pour demander sa mère. Zermah ne pouvait plus lui dire, comme elle le faisait pendant les premiers jours de leur arrivée à la Crique-Noire, qu’elle reverrait bientôt Mme Burbank, que son père, son frère, miss Alice, Mars, ne tarderaient pas à les rejoindre. Avec son intelligence si précoce et comme affinée déjà par le malheur depuis les scènes épouvantables de la plantation, Dy comprenait qu’elle avait été arrachée du foyer maternel, qu’elle était entre les mains d’un méchant homme, que si on ne venait pas à son secours, elle ne reverrait plus Camdless-Bay.

Maintenant, Zermah ne savait que répondre, et, malgré tout son dévouement, voyait la pauvre enfant dépérir.

Le wigwam n’était, on l’a dit, qu’une grossière cabane qui eût été très insuffisante pendant la période hivernale. Alors le vent et la pluie le pénétraient de toutes parts. Mais, dans la saison chaude, dont l’influence se faisait