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la famille burbank.

que tous ces officiers improvisés qui furent empruntés au commerce. Avec son nouveau grade, il entra dans l’escadre du commodore Dupont, il assista aux brillantes affaires du fort Hatteras, puis à la prise des Seas-Islands. Depuis quelques semaines, il était lieutenant à bord d’une des canonnières du commodore Dupont qui allaient bientôt forcer les passes du Saint-John.

Oui ! ce jeune homme, lui aussi, avait grande hâte que cette guerre sanglante prît fin ! Il aimait, il était aimé. Son service terminé, il lui tardait de revenir à Camdless-Bay, où il devait épouser la fille de l’un des meilleurs amis de son père.

M. Stannard n’appartenait point à la classe des colons de la Floride. Resté veuf avec quelque fortune, il avait voulu se consacrer entièrement à l’éducation de sa fille. Il habitait Jacksonville, d’où il n’avait que trois à quatre milles de fleuve à remonter pour se rendre à Camdless-Bay. Depuis quinze ans, il ne se passait pas de semaine qu’il ne vînt rendre visite à la famille Burbank. On peut donc dire que Gilbert et Alice Stannard furent élevés ensemble. De là, un mariage projeté de longue date, maintenant décidé, qui devait assurer le bonheur des deux jeunes gens. Bien que Walter Stannard fût originaire du Sud, il était anti-esclavagiste, ainsi que quelques-uns de ses concitoyens en Floride ; mais ceux-ci n’étaient pas assez nombreux pour tenir tête à la majorité des colons et des habitants de Jacksonville, dont les opinions tendaient à s’accuser chaque jour davantage en faveur du mouvement séparatiste. Il s’ensuivait que ces honnêtes gens commençaient à être fort mal vus des meneurs du comté, des petits blancs surtout et de la populace, prête à les suivre dans tous les excès.

Walter Stannard était un Américain, de la Nouvelle-Orléans. Mme Stannard, d’origine française, morte fort jeune, avait légué à sa fille les qualités généreuses qui sont particulières au sang français. Au moment du départ de Gilbert, miss Alice avait montré une grande énergie, consolant et rassurant Mme Burbank. Bien qu’elle aimât Gilbert comme elle en était aimée, elle ne cessait de répéter à sa mère que partir était un devoir, que se battre pour cette cause, c’était se battre pour l’affranchissement d’une race humaine,