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Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/108

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la ferme de kerwan.

sédait la beauté régulière, fière et calme, l’attitude noble et distinguée qui se rencontre fréquemment chez les Irlandaises des classes inférieures. Sa figure était animée de grands yeux bleus, et sa chevelure blonde bouclait sous les rubans de sa coiffure. Kitty aimait beaucoup son mari, et Murdock, qui ne souriait guère d’habitude, se laissait aller parfois à sourire, lorsqu’il la regardait, car il éprouvait pour elle une profonde affection. Aussi employait-elle son influence à le modérer, à le contenir, chaque fois que quelque émissaire des nationalistes venait faire de la propagande à travers le pays et proclamer que nulle conciliation n’était possible entre les landlords et les tenanciers.

Il va sans dire que les Mac Carthy étant de bons catholiques, on ne s’étonnera pas s’ils considéraient les protestants comme des ennemis[1].

Murdock courait les meetings, et combien Kitty sentait son cœur se serrer, quand elle le voyait partir pour Tralee ou telle autre bourgade du voisinage. Dans ces assemblées il parlait avec l’éloquence naturelle aux Irlandais, et, au retour, lorsque Kitty lisait sur sa figure les passions qui l’agitaient, lorsqu’elle l’entendait frapper du pied en murmurant un appel à la révolution agraire, sur un signe de Martine, elle s’appliquait à le calmer.

« Mon bon Murdock, lui disait-elle, il faut de la patience… et de la résignation…

— De la patience, répondait-il, quand les années marchent et que rien n’aboutit ! De la résignation, lorsqu’on voit des créatures courageuses comme Grand’mère rester misérables après une longue existence de travail ! À force d’être patients et résignés, ma pauvre Kitty, on arrive à tout accepter, à perdre le sentiment de ses droits, à se courber sous le joug, et cela, je ne le ferai jamais… jamais ! » répétait-il en relevant fièrement la tête.

  1. Opinion commune aux Irlandais, qui, cependant, firent exception pour M. Parnell, quand ce « roi non couronné de l’Irlande », comme on disait, dirigea, quelques années plus tard (1879) la célèbre National Land League, fondée pour la réforme agraire.