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Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/120

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la ferme de kerwan.

— Et je te ferai des joujoux, lui dit Sim.

— Je ne pleure pas… répondit-il. C’est pas des larmes, ça ! »

Non ! en vérité, et c’était plutôt son cœur qui débordait, à cette pauvre créature.

« Allons… allons, dit M. Martin, d’un ton qui n’était point méchant, c’est bon pour une fois, mon garçon, mais je te préviens qu’il est défendu de pleurer ici !

— Je ne pleurerai plus, monsieur », répondit-il en se laissant aller dans les bras que lui tendait Grand’mère.

Martin et Martine avaient besoin de repos. D’ailleurs, on se couchait de bonne heure à la ferme, car l’habitude était de se lever de grand matin.

« Où va-t-on le mettre, cet enfant ? demanda le fermier.

— Dans ma chambre, répondit Sim, et je lui donnerai la moitié de mon lit, comme à un petit frère !

— Non, mes enfants, répondit Grand-mère. Laissez-le coucher près de moi, il ne me gênera pas, je le regarderai dormir et cela me fera plaisir. »

Un désir de l’aïeule n’avait jamais rencontré l’ombre d’une résistance. Il suit de là qu’un lit ayant été installé près du sien, ainsi qu’elle l’avait demandé, P’tit-Bonhomme y fut immédiatement transporté.

Des draps blancs, une bonne couverture, il avait déjà connu cette jouissance durant les quelques semaines passées à Royal-George-Hotel de Limerick, dans l’appartement de miss Anna Waston. Mais les caresses de la comédienne ne pouvaient valoir celles de cette honnête famille ! Peut-être s’aperçut-il qu’il y avait une différence, surtout lorsque Grand’mère, en le bordant, lui donna un gros baiser.

« Ah ! merci… merci !… » murmura-t-il.

Ce fut toute sa prière, ce soir-là, et, sans doute, il n’en savait pas d’autre.

On était au début de la saison froide. La moisson venait d’être terminée. Rien à faire ou peu de chose, en dehors de la ferme. Sur ces rudes territoires, les semailles de blé, d’orge, d’avoine,