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la ferme de kerwan.

et à la basse-cour. P’tit-Bonhomme, sans cesse avec elles, les aidait de son mieux. Il tenait état de tout ce qui regardait le train de la maison. Trop jeune pour soigner les chevaux, il était entré en relation plus intime avec le baudet, une bonne bête, opiniâtre au travail, qu’il avait prise en amitié et qui le lui rendait. Il voulait que son âne fût aussi propre que lui-même, ce qui lui valait les compliments de Martine. Pour les porcs, il est vrai, c’eût été peine perdue, et il dut y renoncer. Quant aux moutons, après les avoir comptés et recomptés, il avait inscrit leur nombre — cent trois — sur un vieux carnet, présent de Kitty. Son goût pour cette comptabilité se développait graduellement, et c’était à croire qu’il avait reçu les leçons de M. O’Bodkins à la ragged-school.

D’ailleurs, cette vocation ne parut-elle pas nettement établie, le jour où Martine alla chercher des œufs conservés pour la saison d’hiver ?

La fermière venait d’en prendre une douzaine au hasard, lorsque P’tit-Bonhomme s’écria :

« Pas ceux-là, madame Martine.

— Pas ceux-là ?… Et pourquoi ?…

— Parce que ce n’est pas dans l’ordre.

— Quel ordre ?… Est-ce que ces œufs de poule ne sont pas tous pareils ?…

— Bien sûr non, madame Martine. Vous venez de prendre le quarante-huitième, tandis que c’est par le trente-septième qu’il faut commencer… Regardez bien ! »

Et Martine regarda. Ne voilà-t-il pas que chaque œuf portait un numéro sur sa coque, un numéro que P’tit-Bonhomme y avait inscrit à l’encre ? Puisque la fermière avait besoin de douze œufs, il fallait qu’elle les prît suivant leur numérotage — de trente-sept à quarante-huit, et non de quarante-huit à cinquante-neuf. C’est ce qu’elle fit, après avoir adressé ses félicitations au garçonnet.

Lorsqu’elle raconta la chose au déjeuner, les compliments redoublèrent, et Murdock se prît à dire :