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prime à gagner.

« Viens… viens !… dit-il à Sissy.

— Où ?…

— Dehors !… Viens… viens ! »

Sissy refusa. Elle ne voulait pas abandonner ce corps dans la hutte. D’ailleurs la porte était fermée.

« Viens… viens ! répéta l’enfant.

— Non… non. !… Il faut rester !…

— Elle est toute froide… et moi aussi… j’ai froid… j’ai froid !… Viens, Sissy, viens. Elle voudrait nous emmener avec elle… là-bas… où elle est… »

L’enfant était pris de terreur… Il avait le sentiment qu’il mourrait aussi, s’il ne s’ensauvait pas… Le soir commençait à tomber…

Sissy alluma un bout de chandelle, fiché dans la fente d’un morceau de bois, et le plaça près de la litière.

P’tit-Bonhomme se sentit plus effrayé encore, lorsque cette lumière fit tremblotter les objets autour de lui. Il aimait bien Sissy… il l’aimait comme une sœur aînée… Les uniques caresses qu’il eût jamais goûtées lui étaient venues d’elle… Mais il ne pouvait pas rester… il ne le pouvait pas…

Et, alors, de ses mains, en s’écorchant, en se brisant les ongles, il parvint à creuser la terre au coin de la porte, à déplacer les cailloux qui en supportaient le montant, à faire un trou assez large pour lui livrer passage.

« Viens… viens !… dit-il une dernière fois.

— Non… répondit Sissy, je ne veux pas… Elle serait seule… Je ne veux pas !… »

P’tit-Bonhomme se jeta à son cou, l’étreignit, l’embrassa… Puis, se faufilant à travers le trou, il disparut, laissant Sissy près de la petite morte.

Quelques jours après, l’enfant, rencontré dans la campagne, tombait entre les mains du montreur de marionnettes, et l’on sait ce qu’il en advint.