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p’tit-bonhomme.

Enfin quatre milles furent encore franchis, peut-être un peu moins rapidement que les six premiers, et il n’en restait plus que deux à enlever.

Il était alors sept heures et demie. Les dernières étoiles venaient de s’éteindre à l’horizon de l’ouest. L’aube mélancolique de ces hautes latitudes éclairait vaguement l’espace, en attendant que le soleil eût percé les brumes laineuses des basses zones. La vue commençait à s’étendre sur un large secteur.

En ce moment, un groupe d’hommes parut au sommet de la route, venant de Tralee.

La première pensée de P’tit-Bonhomme fut de ne pas se laisser apercevoir, et cependant qu’aurait-on pu dire à cet enfant ? Aussi, instinctivement, sans y réfléchir plus qu’il ne convenait, il courut se blottir derrière un buisson, de manière à pouvoir observer les gens qui se montraient.

C’étaient des agents de la police, au nombre d’une douzaine, accompagnés d’un constable. Depuis que le pays avait été mis en surveillance, il n’était pas rare de rencontrer ces escouades organisées par les ordres du lord lieutenant.

P’tit-Bonhomme n’aurait donc pas eu lieu d’être surpris de cette rencontre. Mais un cri faillit lui échapper, quand il reconnut au milieu du groupe le régisseur Harbert, suivi de deux ou trois de ces recors qui sont d’habitude employés aux expulsions.

Quel pressentiment lui serra le cœur ! Était-ce à la ferme que le régisseur se rendait avec ses hommes ? Et cette escouade d’agents, allait-elle procéder à l’arrestation de Murdock ?

P’tit-Bonhomme ne voulut pas rester sur cette pensée. Dès que le groupe eut disparu, il sauta sur la route, courut tant que cela lui fut possible, et, vers huit heures et demie, il atteignait les premières maisons de Tralee.

Son soin fut d’abord de se rendre chez un pharmacien, où il attendit que la potion eût été composée selon l’ordonnance. Puis, pour en payer le prix, il présenta sa pièce d’or — toute sa fortune. Le phar-