de Kerry, ce n’est pas lord Piborne qui aurait pu être accusé de pratiquer l’absentéisme. Après une résidence de quatre à cinq mois, soit à Édimbourg, soit à Londres, il venait régulièrement s’installer, depuis avril jusqu’à novembre, à Trelingar Castle.
Un domaine de cette étendue comprend nécessairement un grand nombre de tenanciers. La population agricole qui vivait sur les terres du marquis, eût suffi à peupler tout un village. De ce que les paysans de Trelingar Castle n’étaient pas régis par un John Eldon pour le compte d’un duc de Rockingham, et pressurés par un Harbert pour le compte d’un John Eldon, il n’en faudrait pas conclure qu’ils fussent mieux traités. Seulement, on y mettait plus de douceur. Sans doute, l’intendant Scarlett les poursuivait avec rigueur pour cause d’impaiement des fermages, il les chassait de leurs maisons ; mais il le faisait à sa manière, les prenant en compassion, les plaignant, s’attristant à la pensée de ce qu’ils allaient devenir, dépourvus d’abri, privés de pain, leur assurant que ces évictions brisaient le cœur de son maître… Les pauvres gens n’en étaient pas moins jetés dehors, et il est improbable qu’ils éprouvassent quelque consolation à penser que cela faisait tant de peine à Leurs Seigneuries.
Le château datait de trois siècles environ, ayant été bâti du temps des Stuarts. Sa construction ne remontait donc pas à l’époque des Plantagenet, si chère aux Piborne. Toutefois, son propriétaire actuel l’avait réparé à l’extérieur, de manière à lui donner un aspect féodal, en établissant des créneaux, des mâchicoulis, des échauguettes, puis, sur un fossé latéral, un pont-levis qu’on ne relevait pas et une herse qui ne se baissait jamais.
À l’intérieur se développaient de spacieux appartements, plus confortables qu’ils n’eussent été du temps d’Édouard IV ou de Jean-Sans-Terre. C’était là une tache de modernisme, que devaient tolérer des personnages, au fond très soucieux de leurs aises et de leur confort.
Sur les côtés du château s’élevaient les communs et les annexes,