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p’tit-bonhomme.

parvenait pas à glisser une réponse, tout en se rangeant pour éviter les écarts du cheval. En même temps, les chiens, bondissant à travers la cour, continuaient leur concert de grognements. De là, un tel vacarme qu’on avait un peu de peine à s’entendre.

Aussi, M. Scarlett dût-il hausser la voix en ajoutant :

« Et je te préviens que si tu ne files pas, si je te retrouve aux abords du château, je te conduirai par les oreilles à Kanturk, où l’on te mettra à l’abri dans le work-house ! »

P’tit-Bonhomme ne se troubla ni des menaces qui lui étaient adressées ni du ton dont elles étaient formulées. Mais, profitant d’une accalmie, il put enfin répondre :

« Je ne demande pas l’aumône, monsieur, et jamais je ne l’ai demandée…

— Et tu ne l’accepterais pas ?… répliqua ironiquement l’intendant Scarlett.

— Non… de personne.

— Alors que viens-tu faire ici ?

— Je désire parler à lord Piborne.

À Sa Seigneurie ?…

À Sa Seigneurie.

— Et tu t’imagines qu’elle va te recevoir ?…

— Oui, car il s’agit de quelque chose de très important.

— De très important ?…

— Oui, monsieur.

— Et qu’est-ce donc ?

— Je désire n’en parler qu’à lord Piborne.

— Eh bien, hors d’ici !… Le marquis n’est pas au château.

— J’attendrai…

— Pas à cette place du moins !

— Je reviendrai. »

Tout autre que cet odieux Scarlett eût été frappé de la ténacité singulière de cet enfant, du caractère résolu de ses réponses. Il se fût dit que, s’il était venu à Trelingar Castle, c’est qu’un motif