La grille franchie, il aperçut le pointer, qui râlait sous la dent de Birk.
Quel cri il poussa, sans oser porter secours à son chien, dont il craignait de partager le sort ! Aussitôt que Birk l’eut vu, il acheva le pointer d’un coup de croc, puis, sans se hâter, rentra sous bois, derrière les halliers.
Le jeune Piborne, suivi de M. Scarlett, s’avança, et, lorsqu’ils furent sur le lieu du crime, ils n’y trouvèrent plus qu’un cadavre.
« Scarlett… Scarlett ! s’écria le comte Ashton. Mon chien est étranglé !… Il a étranglé mon chien, cet animal !… Où est-il ?… Venez… Nous le retrouverons… Je le tuerai ! »
L’intendant ne tenait en aucune façon à poursuivre le meurtrier du pointer. Il n’eut point de peine, d’ailleurs, à retenir le jeune Piborne, qui ne redoutait pas moins que lui un retour offensif de ce redoutable Birk.
« Prenez garde, monsieur le comte, lui dit-il. Ne vous exposez pas à poursuivre cette bête féroce !… Les piqueurs la rattraperont un autre jour…
— Mais à qui appartient-il ?
— À personne !… C’est un de ces chiens errants qui courent les grandes routes…
— Alors il s’échappera…
— Ce n’est pas probable, car, depuis plusieurs semaines, on le voit autour du château…
— Depuis plusieurs semaines, Scarlett !… Et on ne m’a pas prévenu, et on ne s’en est pas débarrassé… et cet animal m’a tué mon meilleur pointer ! »
Il faut le reconnaître, ce garçon, si égoïste, si insensible, avait pour ses chiens une amitié que n’aurait pu lui inspirer aucune créature humaine. Le pointer était son favori, le compagnon de ses chasses — destiné sans doute à périr de mort violente par quelque coup maladroit de son maître — et la dent de Birk n’avait fait que hâter sa destinée.