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Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/340

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sept mois à cork.

ils s’accordaient quelque repos, réparant leurs vêtements, faisant leur ménage, rendant leur galetas aussi propre que possible — l’un mettant en ordre sa comptabilité, l’autre prenant ses leçons de lecture, d’écriture et de calcul. Ensuite, l’après-midi, accompagnés de Birk, ils allaient aux environs de Cork, ils redescendaient la Lee jusqu’à Queenstown — deux bons petits bourgeois, qui se promènent après toute une semaine de travail !

Un jour, ils se permirent de faire en bateau le tour de la baie, et Bob, pour la première fois, put embrasser du regard la mer sans limites.

« Et plus loin, demanda-t-il, en continuant toujours d’aller sur l’eau… toujours… qu’est-ce que l’on trouverait ?…

— Un grand pays, Bob.

— Plus grand que le nôtre ?…

— Des milliers de fois, Bob, et il faut, à ces gros navires que tu vois, au moins huit jours de traversée !

— Et il y a des journaux dans ce pays-là ?…

— Des journaux, Bob ?… Oh ! par centaines… des journaux qui se vendent jusqu’à six pence…

— Tu es sûr ?…

— Très sûr… même qu’il faudrait des mois et des mois pour les lire tout entiers ! »

Et Bob regardait avec admiration cet étonnant P’tit-Bonhomme, qui était capable d’affirmer une chose pareille. Quant aux gros bâtiments, à ces steamers qui relâchaient habituellement à Queenstown, son plus vif désir eût été de s’élancer sur le pont, de grimper dans la mâture, tandis que P’tit-Bonhomme aurait préféré, sûrement, visiter la cale et la cargaison…

Mais, jusqu’alors, ni l’un ni l’autre n’avait osé embarquer sans l’autorisation du capitaine — un personnage dont ils se faisaient une idée !… Quant à la demander, cela dépassait leur courage et de beaucoup ! Songez donc, « le maître après Dieu », comme l’avait entendu dire P’tit-Bonhomme, qui l’avait répété à Bob.