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ragged-scool.

« J’aimerais mieux un pain, madame, répondit-il.

— Et pourquoi, mon enfant ?…

— Parce que ce serait plus gros. »

Une fois, cependant, Grip, ayant gagné quelques pence pour prix d’une commission, acheta un gâteau qui devait bien avoir huit jours d’existence.

« Est-ce bon ? demanda-t-il à P’tit-Bonhomme.

— Oh !… On dirait que c’est sucré !

— J’te crois qu’c’est sucré, répliqua Grip, et avec du vrai sucre, encore ! »

Quelquefois Grip et P’tit-Bonhomme allaient se promener jusqu’au faubourg de Salthill. De là on peut embrasser l’ensemble de la baie, l’une des plus pittoresques de l’Irlande, les trois îles d’Aran, posées à l’entrée comme les trois cônes de la baie de Vigo, — autre ressemblance avec l’Espagne, — et, en arrière, les sauvages montagnes du Burren, de Clare et les abruptes falaises de Moher. Puis ils revenaient vers le port, sur les quais, le long des docks commencés à l’époque où l’on avait songé à faire de Galway le point de départ d’une ligne de transatlantiques, qui eût été la plus courte entre l’Europe et les États-Unis d’Amérique.

Lorsque tous deux apercevaient les quelques navires mouillés sur la baie ou amarrés à l’entrée du port, ils se sentaient comme irrésistiblement attirés, soupçonnant sans doute que la mer doit être moins cruelle que la terre aux pauvres gens, qu’elle leur promet une existence plus assurée, que la vie est meilleure au plein air vif des océans, loin des bouges empestés des villes, que le métier de marin est, par excellence, celui qui peut garantir la santé à l’enfant et le gagne-pain à l’homme.

« Ça doit être bien beau, Grip, d’aller sur ces bateaux… avec leurs grandes voiles ! disait P’tit-Bonhomme.

— Si tu savais c’que ça m’tente ! répondait Grip, en hochant la tête.

— Alors pourquoi que tu n’es pas marin sur la mer ?…