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la mer de trois côtés.

plus qu’à reprendre le train du soir. De cette façon, leur absence n’aurait pas dépassé trente-six heures.

C’est alors que P’tit-Bonhomme eut une idée : il proposa à M. O’Brien de revenir à Dublin sur la Doris.

« Je te remercie, mon garçon, répondit l’ancien négociant, mais, je l’avoue, la mer et moi, nous n’avons jamais pu nous mettre d’accord, et c’est elle qui finit toujours par avoir raison ! Après tout, si le cœur t’en dit…

— Cela me tente, monsieur O’Brien… Pour un si court trajet, il n’y a pas grand risque, et j’aimerais autant ne pas abandonner ma cargaison ! »

Il suit de là que M. O’Brien revint seul à Dublin, où il arriva le lendemain aux premières lueurs du jour.

C’était à ce moment même que la Doris sortait du chenal de la Foyle, et se dirigeait vers l’étroit goulet, qui met la baie en communication avec le canal du Nord.

La brise était favorable, venant du nord-ouest. Si elle persistait, la traversée serait excellente. Le schooner pourrait naviguer le long du littoral, où la mer, abritée par les hautes terres, est toujours plus calme. Néanmoins, dans ce mois de mars, au milieu de ces parages de la mer d’Irlande, aux approches de l’équinoxe, on n’est jamais sûr du temps qu’il fera.

La Doris était commandée par un capitaine au cabotage, nommé John Clear, ayant sous ses ordres un équipage de huit matelots. Tous paraissaient fort entendus à leur besogne, et ils avaient une grande habitude des côtes d’Irlande. Aller de Londonderry à Dublin, ils l’eussent fait les yeux fermés.

La Doris sortit de la baie, toutes voiles dehors. Une fois en mer, P’tit-Bonhomme put apercevoir, vers l’ouest, le port d’Innishaven, à l’entrée d’une baie couverte par la pointe du Donegal, et, au-delà, le long promontoire terminé par le cap Malin, le plus avancé de ceux que l’Irlande projette vers le nord.

Cette première journée s’annonçait heureusement. Ce fut une