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la mer de trois côtés.

— On ne peut attendre…

— Ah ! je le trouverai !… »

Et le capitaine se précipita par l’échelle du capot…

P’tit-Bonhomme n’était plus dans la cabine.

En effet, presque sans raisonner, guidé par une sorte d’instinct, fermement décidé à ne point quitter le bord, il s’était introduit à l’intérieur de la cale par une des cloisons que le choc d’une lourde caisse venait de briser.

« Où est-il… où est-il ? répétait le capitaine en l’appelant de toutes ses forces.

— Il sera monté sur le pont… dit un matelot.

— Il aura été jeté à la mer… ajouta un autre.

— Nous coulons… Nous coulons !… »

Ces propos furent échangés de l’un à l’autre au milieu d’un effarement épouvantable. En effet, la Doris venait de s’incliner sous un formidable coup de roulis, à faire craindre qu’elle ne se retournât, la quille en l’air.

Il n’y avait plus à s’attarder. Puisque P’tit-Bonhomme ne répondait pas, c’est qu’il était remonté sur le pont sans que personne l’eût aperçu au milieu de cette horrible obscurité, c’est qu’il avait été emporté par-dessus le bord… Et cela n’était que trop vraisemblable !

Le capitaine Clear reparut, juste comme la goélette plongeait plus profondément entre le creux de deux énormes lames. Son équipage et lui se précipitèrent dans la chaloupe, dont l’amarre fut aussitôt larguée. Si peu d’espoir que l’embarcation eût de résister à cette mer furieuse, c’était l’unique chance de salut, et elle s’éloigna à force d’avirons, afin de ne point être entraînée dans le remous du schooner au moment où il sombrerait…

La Doris était sans capitaine, sans équipage… Mais ce n’était pas un navire abandonné, ce n’était pas une épave, puisque P’tit-Bonhomme n’avait pas quitté le bord !

Seul, il était seul, menacé d’être englouti d’un instant à l’autre… Il ne désespéra pas, il se sentait soutenu par un extraordinaire pres-