Bonhomme n’avait pas négligé d’écrire à Queenstown, et les armateurs du Queensland, MM. Benett, devaient le prévenir par dépêche, dès que le bâtiment serait signalé.
En attendant, on ne chômait pas au bazar de Little Boy. P’tit-Bonhomme était devenu un héros — un héros de quinze ans. Ses aventures à bord de la Doris, la force de volonté, l’extraordinaire ténacité déployée par lui en ces circonstances, n’avaient pu qu’accroître la sympathie dont la ville l’entourait déjà. Cette cargaison, défendue au péril de sa vie, il était juste que ce fût pour lui un coup de fortune. Et c’est bien ce qui arriva, grâce à la clientèle des Petites Poches. L’affluence prit des proportions invraisemblables. Les magasins ne se vidaient que pour se remplir aussitôt. Il fut à la mode d’avoir du thé de la Doris, du sucre de la Doris, des épiceries de la Doris, des vins de la Doris. Le rayon des jouets se vit un peu délaissé. Aussi Bob dut-il venir en aide à P’tit-Bonhomme, à Grip, et même à deux commis supplémentaires, tandis que Sissy, installée au comptoir, suffisait à peine à dresser les factures. De l’avis de M. O’Brien, avant quelques mois, le capital engagé dans l’affaire de la cargaison serait quadruplé, si ce n’est quintuplé. Les trois mille cinq cents livres en produiraient au moins quinze mille[1]. L’ancien négociant ne se trompait pas en prévoyant un pareil résultat. Il disait bien haut, d’ailleurs, que tout l’honneur de cette entreprise revenait à P’tit-Bonhomme. Qu’il l’eût encouragé, soit ! Mais c’était le jeune patron, lui seul qui en avait eu l’idée première, en lisant l’annonce de la Shipping-Gazette, et l’on sait avec quelle énergie il l’avait menée à bonne fin.
On ne s’étonnera donc pas que le bazar de Little Boy fût devenu non seulement le mieux achalandé, mais le plus beau de Bedfort Street — et même du quartier. La main d’une femme s’y reconnaissait à mille détails, et puis, Sissy était si activement secondée par Grip ! Vrai ! Grip commençait à se faire à cette idée qu’il était son
- ↑ 300,000 francs.