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l’enterrement d’une mouette.

Après que ces garnements eurent laissé leur victime, quel regard ils lui jetèrent, comme ils se promirent de recommencer, dès que Grip ne serait plus là, et même, à la prochaine occasion, de « leur faire leur affaire » à tous les deux !

« Bien sûr, Carker, tu seras brûlé ! dit P’tit-Bonhomme, non sans une certaine commisération.

— Brûlé ?…

— Oui… en enfer… si tu continues à être méchant ! »

Réponse qui excita les railleries de toute cette bande de mécréants. Que voulez-vous ? le rôtissement de Carker, c’était une idée fixe chez P’tit-Bonhomme.

Toutefois, il était à craindre que l’intervention de Grip en sa faveur ne produisît pas d’heureux résultats. Carker et les autres étaient décidés à se venger du surveillant et de son protégé.

Dans les coins, les pires garnements de la ragged-school tenaient des conciliabules qui ne présageaient rien de bon. Aussi Grip ne cessait-il de les surveiller, ne quittant notre garçonnet que le moins possible. La nuit, il le faisait monter jusqu’au galetas qu’il occupait sous les bardeaux de la toiture. Là, dans ce réduit bien froid, bien misérable, P’tit-Bonhomme était du moins à l’abri des mauvais conseils et des mauvais traitements.

Un jour, Grip et lui étaient allés se promener sur la grève de Salthill, où ils prenaient quelquefois plaisir à se baigner. Grip, qui savait nager, donnait des leçons à P’tit-Bonhomme. Ah ! que celui-ci était heureux de se plonger dans cette eau limpide sur laquelle naviguaient de beaux navires, loin, bien loin, et dont il voyait les voiles blanches s’effacer à l’horizon.

Tous deux s’ébattaient au milieu des longues lames qui grondaient sur la grève. Grip, tenant l’enfant par les épaules, lui indiquait les premiers mouvements.

Soudain, de véritables hurlements de chacals se firent entendre du côté des rochers, et on vit apparaître les déguenillés de la ragged-school.