Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La province fut un peu plus affirmative. Peut-être dans la nuit du 6 au 7 mai avait-il paru une lueur d’origine électrique, dont la durée n’avait pas dépassé vingt secondes. Au Pic-du-Midi, cette lueur s’était montrée entre neuf et dix heures du soir. À l’observatoire météorologique du Puy-de-Dôme, on l’avait saisie entre une heure et deux heures du matin ; au Mont Ventoux, en Provence, entre deux et trois heures ; à Nice, entre trois et quatre heures ; enfin, au Semnoz-Alpes, entre Annecy, le Bourget et le Léman, au moment où l’aube blanchissait le zénith.

Évidemment, il n’y avait pas à rejeter ces observations en bloc. Nul doute que la lueur eût été observée en divers postes ― successivement ― dans le laps de quelques heures. Donc, ou elle était produite par plusieurs foyers, courant à travers l’atmosphère terrestre, ou, si elle n’était due qu’à un foyer unique, c’est que ce foyer pouvait se mouvoir avec une vitesse qui devait atteindre bien près de deux cents kilomètres à l’heure.

Mais, pendant le jour, avait-on jamais vu quelque chose d’anormal dans l’air ?

Jamais.

La trompette, du moins, s’était-elle fait entendre à travers les couches aériennes ?

Pas le moindre appel de trompette n’avait retenti entre le lever et le coucher du soleil.

Dans le Royaume-Uni, on fut très perplexe. Les observatoires ne purent se mettre d’accord. Greenwich ne parvint pas à s’entendre avec Oxford, bien que tous deux soutinssent « qu’il n’y avait rien. »

« Illusion d’optique ! disait l’un.

― Illusion d’acoustique ! » répondait l’autre.

Et là-dessus, ils disputèrent. En tout cas, illusion.

À l’observatoire de Berlin, à celui de Vienne, la discussion menaça d’amener des complications internationales. Mais la Russie, en la personne du directeur de son observatoire de Poulkowa, leur prouva qu’ils avaient raison tous deux ; cela dépendait du point de vue auquel ils se mettaient pour déterminer la nature du phénomène, en théorie impossible, possible en pratique.