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Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/135

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son cours jaunâtre, perdu entre les buissons de cactus et de lauriers-roses. Combien, alors, il fit envoler de ces centaines de perruches qui, perchées sur les fils télégraphiques, semblent attendre les dépêches au passage pour les emporter sous leurs ailes !

Puis, la nuit venue, l’Albatros se balança au-dessus des frontières de la Kroumirie, et, s’il restait encore un Kroumir, celui-là ne manqua pas de tomber la face contre terre et d’invoquer Allah à l’apparition de cet aigle gigantesque.

Le lendemain matin, ce fut Bône et les gracieuses collines de ses environs ; ce fut Philippeville, maintenant un petit Alger, avec ses nouveaux quais en arcades, ses admirables vignobles, dont les ceps verdoyants hérissent toute cette campagne, qui semble avoir été découpée dans le Bordelais ou les terroirs de la Bourgogne.

Cette promenade de cinq cents kilomètres, au-dessus de la grande et de la petite Kabylie, se termina vers midi à la hauteur de la Kasbah d’Alger. Quel spectacle pour les passagers de l’aéronef ! la rade ouverte entre le Cap Matifou et la Pointe Pescade, ce littoral meublé de palais, de marabouts, de villas, ces vallées capricieuses, revêtues de leurs manteaux de vignobles, cette Méditerranée, si bleue, sillonnée de Transatlantiques qui ressemblaient à des canots à vapeur ! Et ce fut ainsi jusqu’à Oran la pittoresque, dont les habitants, attardés au milieu des jardins de la citadelle, purent voir l’Albatros se confondre avec les premières étoiles du soir.

Si Uncle Prudent et Phil Evans se demandèrent à quelle fantaisie obéissait l’ingénieur Robur en promenant leur prison volante au-dessus de la terre algérienne ― cette continuation de la France de l’autre côté d’une mer qui a mérité le nom de lac français, ― ils durent penser que sa fantaisie était satisfaite, deux heures après le coucher du soleil. Un coup de barre du timonier venait d’envoyer l’Albatros vers le sud-est, et, le lendemain, après s’être dégagé de la partie montagneuse du Tell, il vit l’astre du jour se lever sur les sables du Sahara.

Voici quel fut l’itinéraire de la journée du 8 juillet. Vue de la petite bourgade de Géryville, créée comme Laghouat, sur la limite du désert, pour faciliter