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Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/158

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à relever sa route, à pointer sur ses cartes la direction suivie, à reconnaître sa position toutes les fois qu’il le pouvait, à noter les indications des baromètres, des thermomètres, des chronomètres, enfin à porter sur le livre de bord tous les incidents du voyage.

Quant aux deux collègues, bien encapuchonnés, ils cherchaient sans cesse à apercevoir quelque terre dans le sud.

De son côté, sur la recommandation expresse de Uncle Prudent, Frycollin essayait de tâter le maître-coq à l’endroit de l’ingénieur. Mais comment faire fonds sur ce que disait ce Gascon de François Tapage ? Tantôt Robur était un ancien ministre de la République Argentine, un chef de l’Amirauté, un président des États-Unis mis à la retraite, un général Espagnol en disponibilité, un vice-roi des Indes qui avait recherché une plus haute position dans les airs. Tantôt il possédait des millions, grâce aux razzias opérées avec sa machine, et il était signalé à la vindicte publique. Tantôt il s’était ruiné à confectionner cet appareil et serait forcé de faire des ascensions publiques pour rattraper son argent. Quant à la question de savoir s’il s’arrêtait jamais quelque part, non ! Mais il avait l’intention d’aller dans la lune, et, là, s’il trouvait quelque localité à sa convenance, il s’y fixerait.

« Hein ! Fry !… mon camarade !… Cela te fera-t-il plaisir d’aller voir ce qui se passe là-haut ?

― Je n’irai pas !… Je refuse !… répondait l’imbécile, qui prenait au sérieux toutes ces bourdes.

― Et pourquoi, Fry, pourquoi ? Nous te marierions avec quelque belle et jeune lunarienne !… Tu ferais souche de nègres !

Et, quand Frycollin rapportait ces propos à son maître, celui-ci voyait bien qu’il ne pourrait obtenir aucun renseignement sur Robur. Il ne songeait donc plus qu’à se venger.

« Phil, dit-il un jour à son collègue, il est bien prouvé maintenant que toute fuite est impossible ?

― Impossible, Uncle Prudent.

― Soit ! mais un homme s’appartient toujours, et, s’il le faut, en sacrifiant sa vie…