Aller au contenu

Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette tabatière, qu’elles avaient si souvent regardée avec l’espoir d’y plonger, un jour, leurs maigres doigts de vieilles filles ! Puis ce furent leur père, William T. Forbes, Truk Milnor, Bat T. Fyn et bien d’autres du Weldon-Institute ! Cent fois ils l’avaient vue s’ouvrir et se refermer entre les mains de leur vénéré président. Enfin elle eut pour elle le témoignage de tous les amis que comptait Uncle Prudent dans cette bonne cité de Philadelphie, dont le nom indique, ― on ne saurait trop le répéter, ― que ses habitants s’aiment comme des frères.

Ainsi il n’était pas permis de conserver l’ombre d’un doute à cet égard. Non seulement la tabatière du président, mais l’écriture, tracée sur le document, ne permettaient plus aux incrédules de hocher la tête. Alors les lamentations commencèrent, les mains désespérées se levèrent vers le ciel. Uncle Prudent et son collègue, emportés dans un appareil volant, sans qu’on pût même entrevoir un moyen de les délivrer !

La Compagnie du Niagara-Falls, dont Uncle Prudent était le plus gros actionnaire, faillit suspendre ses affaires et arrêter ses chutes. La Walton-Watch Company songea à liquider son usine à montres, maintenant qu’elle avait perdu son directeur, Phil Evans.

Oui ! ce fut un deuil général, et le mot deuil n’est pas exagéré, car, à part quelques cerveaux brûlés comme il s’en rencontre même aux États-Unis, on n’espérait plus jamais revoir ces deux honorables citoyens.

Cependant, après son passage au-dessus de Paris, on n’entendit plus parler de l’Albatros. Quelques heures plus tard, il avait été aperçu au-dessus de Rome, et c’était tout. Il ne faut pas s’en étonner, étant donné la vitesse avec laquelle l’aéronef avait traversé l’Europe du nord au sud, et la Méditerranée de l’ouest à l’est. Grâce à cette vitesse, aucune lunette n’avait pu le saisir sur un point quelconque de sa trajectoire. Tous les observatoires eurent beau mettre leur personnel à l’affût nuit et jour, la machine volante de Robur-le-Conquérant s’en était allée ou si loin ou si haut, ― en Icarie, comme il le disait, ― qu’on désespéra d’en jamais retrouver la trace.

Il convient d’ajouter que, si sa rapidité fut plus modérée au-dessus du littoral de l’Afrique, comme le document n’était pas encore connu, on ne s’avisa