Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/38

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Nouveaux cris de protestation et de dénégation qui durèrent trois grandes minutes, jusqu’au moment où Phil Evans put prendre la parole.

« Monsieur l’aviateur, dit-il, vous qui venez nous vanter les bienfaits de l’aviation, avez-vous jamais « avié ? »

― Parfaitement !

― Et fait la conquête de l’air ?

― Peut-être, monsieur !

― Hurrah pour Robur-le-Conquérant ! s’écria une voix ironique.

― Eh bien, oui ! Robur-le-Conquérant, et ce nom, je l’accepte, et je le porterai, car j’y ai droit !

― Nous nous permettons d’en douter ! s’écria Jem Cip.

― Messieurs, reprit Robur, dont les sourcils se froncèrent, quand je viens sérieusement discuter une chose sérieuse, je n’admets pas qu’on me réponde par des démentis, et je serais heureux de connaître le nom de l’interlocuteur…

― Je me nomme Jem Cip… et suis légumiste…

― Citoyen Jem Cip, répondit Robur, je savais que les légumistes ont généralement les intestins plus longs que ceux des autres hommes ― d’un bon pied au moins. C’est déjà beaucoup… et ne m’obligez pas à vous les allonger encore en commençant par vos oreilles…

― À la porte !

― À la rue !

― Qu’on le démembre !

― La loi de Lynch !

― Qu’on le torde en hélice !… »

La fureur des ballonistes était arrivée à son comble. Ils venaient de se lever. Ils entouraient la tribune. Robur disparaissait au milieu d’une gerbe de bras qui s’agitaient comme au souffle de la tempête. En vain la trompe à vapeur lançait-elle des volées de fanfares sur l’assemblée ! Ce soir-là, Philadelphie dut croire que le feu dévorait un de ses quartiers et que toute l’eau de la Schuylkill-river ne suffirait pas à l’éteindre.

Soudain, un mouvement de recul se produisit dans le tumulte. Robur, après