Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/43

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sider le Weldon-Institute, jamais, non, jamais il ne se serait produit un tel scandale !

― Et qu’auriez-vous fait, si vous aviez eu cet honneur ? demanda Uncle Prudent.

― J’aurais coupé la parole à cet insulteur public, avant même qu’il eût ouvert la bouche !

― Il me semble que pour couper la parole, il faut au moins avoir laissé parler !

― Pas en Amérique, monsieur, pas en Amérique ! »

Et, tout en se renvoyant des reparties plus aigres que douces, ces deux personnages enfilaient des rues qui les éloignaient de plus en plus de leur demeure ; ils traversaient des quartiers dont la situation les obligerait à faire un long détour.

Frycollin suivait toujours ; mais il ne se sentait pas rassuré à voir son maître s’engager au milieu d’endroits déjà déserts. Il n’aimait pas ces endroits-là, le valet Frycollin, surtout un peu avant minuit. En effet, l’obscurité était profonde, et la lune, dans son croissant, commençait à peine « à faire ses vingt-huit jours. »

Frycollin regardait donc à droite, à gauche, si des ombres suspectes ne les épiaient point. Et précisément, il crut voir cinq ou six grands diables qui semblaient ne pas les perdre de vue.

Instinctivement, Frycollin se rapprocha de son maître ; mais, pour rien au monde, il n’eût osé l’interrompre au milieu d’une conversation dont il aurait reçu quelques éclaboussures.

En somme, le hasard fit que le président et le secrétaire du Weldon-Institute, sans s’en douter, se dirigeaient vers Fairmont-Park. Là, au plus fort de leur dispute, ils traversèrent la Schuylkill-river sur le fameux pont métallique ; ils ne rencontrèrent que quelques passants attardés, et se trouvèrent enfin au milieu de vastes terrains, les uns se développant en immenses prairies, les autres ombragés de beaux arbres, qui font de ce parc un domaine unique au monde.

Là, les terreurs du valet Frycollin l’assaillirent de plus belle, et, avec d’au-