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Mais ni l’un ni l’autre ne voulurent rien laisser paraître de cet ahurissement si naturel.

Le valet Frycollin, lui, ne dissimulait pas son épouvante à se sentir emporté dans l’espace à bord d’une pareille machine, et il ne cherchait point à s’en cacher.

Pendant ce temps, les hélices suspensives tournaient rapidement au-dessus de leurs têtes. Si considérable que fût alors cette vitesse de rotation, elle eût pu être triplée pour le cas où l’Albatros aurait voulu atteindre de plus hautes zones.

Quant aux deux propulseurs, lancés à une allure assez modérée, ils n’imprimaient à l’appareil qu’un déplacement de vingt kilomètres à l’heure.

En se penchant en dehors de la plate-forme, les passagers de l’Albatros purent apercevoir un long et sinueux ruban liquide qui serpentait, comme un simple ruisseau, à travers un pays accidenté, au milieu de l’étincellement de quelques lagons obliquement frappés des rayons du soleil. Ce ruisseau, c’était un fleuve, et l’un des plus importants de ce territoire. Sur la rive gauche se dessinait une chaîne montagneuse dont la prolongation allait à perte de vue.

« Et nous direz-vous où nous sommes ? demanda Uncle Prudent d’une voix que la colère faisait trembler.

― Je n’ai point à vous l’apprendre, répondit Robur.

― Et nous direz-vous où nous allons ? ajouta Phil Evans.

― À travers l’espace.

― Et cela va durer ?…

― Le temps qu’il faudra.

― S’agit-il donc de faire le tour du monde ? demanda ironiquement Phil Evans.

― Plus que cela, répondit Robur.

― Et si ce voyage ne nous convient pas ?… répliqua Uncle Prudent.

— Il faudra qu’il vous convienne ! »

Voilà un avant-goût de la nature des relations qui aillaient s’établir entre le maître de l’Albatros et ses hôtes, pour ne pas dire ses prisonniers. Mais, mani-